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De l'ordinaire et du sexe

La frénésie exploratrice du sexe ne connaît pas de limites, même à la bêtise. Cette surenchère continue d’accoucher des plus mignonnes absurdités.


« Des paillettes dans le vagin » est l’intitulé d’une de mes dernières lectures.


Une gélule qui, une fois insérée dans votre foufoune, lui donnera une saveur de bonbon ainsi que des glitters plein le clito pour vous (et plein la bouche pour lui/elle). En somme, une partie de plaisir avec boule à facettes entre les jambes.


Le site de vente affiche un joli papillon qui me rappelle le goût très sûr de Mariah Carey.


« Making love can feel like magic, now you can see the magic good love can make. »


Si certains accessoires peuvent aiguiser le plaisir, je ne vois pas en quoi l'observation d'une vulve brillante peut participer à la jouissance. Au mieux quelques jeux de mots dans les préliminaires à l’adresse d’un minou de princesse.


Et pourquoi pas un liseré d’or au bout du gland ?


Aux dires du fabricant, plus qu’un agrément, cette gélule donnera enfin du relief au sexe ordinaire.


Car personne n’aime le sexe ordinaire. Il en faut plus, toujours. Plus de sexe, plus fort, plus longtemps. Du super sex, magic sex, du sexe hors normes.


Plus d’orgasmes aussi. Faire jouir une femme nourrit l’assurance des amants, heureux de leur devoir accompli. Par-dessus ou par-dessous, ils guettent votre regard à l’affût de cet absolu. Attention flatteuse certes, mais je ne peux m’empêcher d’y déceler une forme d’anxiété coupable, comme si ils payaient pour la négligence de leurs aïeux envers nos grands-mères. L'attention devient un impératif silencieux, agaçant, et se résume finalement au besoin égoïste de se rassurer sur ses propres aptitudes.


Et puis surtout, le sexe ça doit être beau, gracieux, affamé, trashy, mais ridicule, non.


Heureusement nous demeurons des êtres imparfaits, avec nos maladresses. Un relâchement de trop… Un pet vaginal… Une éjaculation un peu pressée… Ou un fou rire impromptu.


À ce propos, l'été dernier, je fis la connaissance de Bruno.


Bruno porte un attachement profond pour son chat, Filouche. Je le vois préoccupé de peu de choses dans la vie, si ce n’est de son animal.


Ce jour là, Filouche et Bruno viennent d’emménager dans leur nouveau quartier. Plusieurs boîtes et quelques bières entre amis est le temps qui suffit au petit compagnon pour se sentir maître en sa demeure.


La nuit déjà bien avancée, nous sommes savoureusement enlacés l’un à l’autre quand surgit de l’obscurité un miaulement à vous fendre l’âme. Bruno, amant des plus attentionnés, ne peut faire abstraction de ce cri déchirant la nuit et déchirant son coeur. C’est tiraillé par son plaisir et l’inquiétude pour son tendre matou qu’il se lève.


Encore essoufflée, je visualise alors le dit garçon, son air de canaille freluquet avec boucle d’oreille et tatouage, nu comme un ver et le membre bien rigide, ouvrir en grand la porte patio et offrir à la fraîcheur du soir son engin dressé par devant de lui, quelque peu agressif. Délicate salutation au voisinage, d’un pervers qui chuchote tendrement à la nuit : « Filouche ! Filouche ! ».


De retour près de moi, nous hâtons la reprise de nos affaires, mais le fou rire me prend. La pensée de cette silhouette dégingandée brandissant innocemment son outil comme la plus judicieuse entrée en matière de son nouveau départ, me saisit.


Le fou rire se prolonge, se partage. C’est bon. Bon comme un orgasme. Avec la même brièveté infinie, il est le temps d’une fulgurance, où vous perdez toute conscience et n’êtes plus qu'état présent.


À la différence de l'orgasme qui peut être magnifique, vague, et surtout oublié parmi tant d'autres, le fou rire est plus rare lui, et il fait souvenir, d'un garçon et de son chat.


Et vous riez nus, jambes, bras, ventres écartés. Il y a quelque chose de bon à sentir son corps nu s’ébranler de rire. C’est alors que ce corps n’est plus beau, ni vraiment désirable, c’est un corps ordinaire. Et le sexe n’est plus vraiment du sexe, il n’est plus non plus faire l’amour. On arrête de chercher sans répit le plaisir de l’autre, ni même une fatigante communion des âmes. C’est plutôt une seconde nature de vous-mêmes, ni magique ni sparkly. Du bon sexe ordinaire.





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