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JÉSUS ÉTAIT UNE FILLE

En ce dernier jour dominical, apparaît sur mon fil un spot Culture Pub ayant pour but de dénoncer le sexisme du jeu de cartes traditionnel. Pourquoi que le roi il est plus fort d’abord ? Ce genre de spot fait fureur en nos temps de grands troubles identitaires et de la révolution féministe 2.0. Je me targuais d’un commentaire sur ce qui m’apparaît être du féminisme marketée. On l’emballe en petits paquets de syllogismes et on fait dire tout ce qu’on veut à ce qu’on veut.


Pour ceux qui m’accuseraient de nier le sexisme systémique, voici de quoi faire amende honorable. Histoire vraie.


Décembre 1991


Anne, 5 ans, élève à l’École Notre-Dame de la Tramontane, boucles blondes et tablier à carreaux verts, dessine la crèche.


Période de Noël durant laquelle on s’applique à être plus gentil, dans les limites de ce que ça peut vouloir dire à cet âge. Sa grande soeur mémorisait ses cours d’Histoire en lui en expliquant les grandes lignes. Du coup, les limites de ce monde se situaient pour Anne entre d’une part Hitler (les méchants), et d’autre part elle et sa famille (les gentils). C’était un monde où il y a encore peu de temps la Terre était coupée en deux avec un rideau de fer, comme une orange par un couteau. Et Anne se demandait comment donc ils avaient fait une fois rendus dans l’eau pour le planter au fond.


Elle est assise en compagnie de ses petits camarades. Au milieu d’une grande table s’éparpillent les Crayolas au bon plaisir d’une marmaille babillante. Un voisin se penche sur son dessin et relève : “Pourquoi que t’as mis du rose à Jésus ?”. En effet, Anne a serré les langes du divin enfant dans un ruban rose. À un autre de dire “Faut qu’il soit bleu, parce que Jésus c’est un garçon”.


C’est probablement un de ses plus lointains souvenirs, gardé dans toute sa consistance du moment, la pénombre d’une classe en hiver, l’odeur du Crayola en cire. Anne tait sa honte… Si l’existence du Père Noël s’était effritée sans grand état d’âme, ce jour-là, elle vécut une véritable désillusion.


Parce que Anne était convaincue que Jésus était une fille. Plus qu’une conviction, c’était une évidence. Elle fait semblant d’écouter ses camarades qui débattent avec le sérieux d’enfants de 5 ans du péché et de la crèche. Est-ce du fait de sa cellule familiale, composée de trois femmes et d’un père qu’on aime sans jamais prendre au sérieux, ou parce que les garçons l’écœurent à la récré ? Peu importe, à un âge où elle ne sait même pas ce que veut dire féminisme, une personne qu’on dit aussi intelligente, pleine d’amour et courageuse au point de mourir pour les autres, doit forcément être une fille.


Anne perdit la foi à 5 ans.


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