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LA JOURNÉE DE...


Déjà qu’en temps normal mon Facebook est truffé de gifs, articles, manifestes féministes en tout genre, en l’ouvrant ce matin, je me suis sérieusement posée la question d’élargir mon cercle social face à l’avalanche de posts... En fait non, c’est juste la Journée de la Femme.


Du moins, ce n’est pas tout-à-fait la Journée de la Femme… Suite à une petite discussion sur l’heure du lunch et quelques recherches rapides, il s’avère plus exactement que l’ONU a déclaré en 1975, le 8 mars - Journée internationale des femmes. Par la suite, la France incapable de faire comme tout le monde, a décidé de la rebaptiser - Journée internationale des droits des femmes, en 1982. Qu’importe l’exactitude, c’est la Journée de la Femme que les gens retiennent en grande partie (à moins que vous ayez un bassin d'ami.e.s virtuel.le.s à cheval sur ce détail plus large que le mien).


La nuance se saisit rapidement. Parler “des droits des femmes”, en revient à cibler les enjeux concrets qui entourent la condition féminine, dans une dimension politique. La journée des femmes, c’est pas mal non plus. Évocation d’une pluralité d’êtres humains, d’individus en tout genre, femmes avec des petits f tout comme il y a des hommes avec des petits h.


Mais la journée de la Femme. Nous voici donc ramenées à un symbole, une figure sacralisée. Or le sacré, c’est ce qui est mis à part, en dehors du civil, du politique. On s’enligne sur la Saint-Valentin, ou la fête des mères (qui n’est pas tout-à-fait inventée sous le régime de Vichy, même si j’apprécie le cynisme de l’idée… Voir cet article du Nouvel Obs)


Beaucoup ont déjà relevé la récupération commerciale de l'événement… Sans aller trop loin, il suffit de lire le contenu d’un grand nombre des posts publiés aujourd’hui (par des femmes) pour constater ô combien cette journée est en dérive. Certaines ont encore du bon sens et se contentent d’un sobre “bonne journée des femmes”, ou du partage d’un événement pertinent sur le sujet. Puis vient la trolley de coeurs, de #, de personnalités politiques inspirantes, de mères merveilleuses, de blondes courageuses, bref… extraordinaires.


Pour commencer, il y a plein de femmes qui sont loin d’être extraordinaires. Je ne vous cache pas que j’ai parfois de la misère avec la culture d’ici, et cette propension phénoménale à tout voir en rose. Vous savez dans la vraie vie, existent des femmes psychopathes, des mesquines, des garces, et d'autres au Q.I affligeant. Ce n’en est pas moins leur journée aussi…


Par ailleurs, n’est-ce pas justement ce dont nous souhaitons sortir, cet état d’exception ? Personnellement, je suis déjà fatiguée à me débattre avec mes rêves, avec mon image, avec mon non-besoin d’image, à questionner mon envie d’enfant authentique ou socialement inculquée. À quoi s'ajoute un milieu professionnel où l’apparence compte beaucoup, où il faut encore être beau, cool, et intelligent quotidiennement. Alors quand je me lève le matin, m’entendre dire sur Facebook à quel point on est extraordinaire, ou du moins à quel point d’autres le sont… Ben ça me donne juste le goût d’être ordinaire. Ne nous y trompons pas, j’admire beaucoup de femmes autour de moi, et j’espère le leur dire souvent. Mais aujourd'hui, je veux être ordinaire tout comme l’homme est ordinaire, sans qu'on ne remette en doute la légitimité de ses droits. Pourquoi devrions-nous nous fatiguer à être si inspirantes, douces, marrantes, et volontaires en même temps, pour mériter un post ?


Si je devais célébrer des femmes aujourd’hui, je célèbrerais mon amie Gertrude qui n’arrive pas à retourner au gym depuis un an et qui se trouve grosse, et à qui je ne dis pas “Mais non t’es pas grosse” parce que ça l’énerve.


Je célèbrerais ma chum Bérengère qui parle beaucoup trop de mecs et les textote le samedi soir tous en même temps quand elle a envie de s’envoyer en l’air et qu’elle a trop bu.


Je célèbrerai Abigaëlle qui bouffe un pot de Nutella en en ayant rien à foutre des orangs outans et de l’huile de palme, et en écoutant la saison 6 de Friends pour la millième fois.


Et ça ne change rien ni à leurs droits, ni à leur place en ce jeudi 8 mars.



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